La moisson à Sea Lake

Sea Lake… Inutile de chercher dans un guide touristique, vous ne trouverez pas ! Et pour cause, perdue en plein milieu du Bush, cette petite ville de moins de 500 habitants ne compte que 2 pubs, une supérette et un marchand de journaux. Le caravan park n’est occupé que par quelques travailleurs locaux et, à notre grand regret, les barbecues sont tous payants ! A part ça, ses deux seuls points d’intérêt sont le lac salé, un des principaux de l’Etat du Victoria, et la coopérative de grains GrainFlow, où nous avons étés embauchés. Voilà donc le décor dans lequel nous allons vivre pendant presque deux mois…

 
Nous sommes samedi 20 Novembre 2010 et c’est le tout début de la moisson dans le Victoria. De par son importance, c’est presque la seule activité agricole de l’année, et les fermiers travaillent sans relâche pour subvenir aux besoins des douze mois à venir !

En effet, une grande exploitation agricole en France est considérée ici comme un petit jardin : avoir 10.000 hectares de culture (soit cent millions de mètres carrés) n’est pas rare, et les fermes les plus grandes sont de la taille de la Belgique… Tout est démesuré, de la durée de la moisson aux semi-remorques de 70 tonnes ou autres engins utilisés par les fermiers, lesquels ne pourraient d’ailleurs pas circuler sur nos routes européennes.
 
 
Une coopérative, c’est comme un grand entrepôt qui achète le blé, l’orge et le malt aux fermiers afin de le revendre pour nourrir le bétail, faire du pain ou encore de la bière… Pendant l’été, sa principale activité est donc de stocker du grain. Lorsqu’un camion se présente, on le pèse puis on analyse un échantillon qui permettra de les guider pour déverser leur marchandise dans le bon «bunker». En effet, en Europe on stocke le grain verticalement dans des silos, mais ici on fait de grands tas de 15 mètres de haut, 35 mètres de large et 200 mètres de long, entièrement protégés par des bâches. En parallèle, il faut sans cesse nettoyer les lieux ou bien le vent et la poussière rendent le travail impossible. En bref, ce site a besoin d’une cinquantaine de personnes pour fonctionner tous les jours pendant 18 heures…
Nous avons donc balayé, surveillé les bunkers, déchargé des camions, tiré des bâches et bougé diverses machines, mais nous avons pu mettre de l’argent de côté, beaucoup plus qu’on ne l’aurait espéré en faisant du fruit-picking !

Ce samedi de fin novembre, réveil difficile à 5h30 : c’est le premier jour de travail de Guillaume, Aurélie commencera dans deux jours, comme le reste de l’équipe, quand la moisson battra son plein. Plus de dix heures de dur labeur sous le soleil et dans la poussière en compagnie des six personnes qui travaillent toute l’année sur le site. C’est là qu’il prit sa place dans la «tarping team» (voir lexique).
Pendant ce temps, Aurélie est retournée à Swan Hill afin de faire quelques courses, et surtout passer le temps. En effet, elle n’a pas eu l’occasion de s’ennuyer ! A peine sortie du Woolworth (voir lexique), elle constate qu’un liquide verdâtre s’échappe de l’intérieur du van, par les portes avant, formant une énorme flaque émeraude sur le sol du parking… Il faut que ça arrive le jour ou Guillaume est au travail, et sans téléphone ! Heureusement, notre ami Michael arrive à la rescousse et, après deux heures de réparations, notre Jimmy est prêt à repartir ! En fait, c’était une fuite de liquide du circuit de ventilation : en bref, nous n’avons plus d’air chaud ni d’air froid, seulement l’air ambiant. De toute façon, n’ayant déjà plus de climatisation, il en faudrait plus pour nous arrêter !
Guillaume, déjà bien intégré de son côté, a rapporté de bonnes nouvelles à la fin de sa journée. Brenda, qui fait partie de l’équipe du site, a proposé de nous laisser utiliser sa douche et d’installer le van dans son jardin. Qui plus est, Kelly, travaillant là tous les ans au moment de la moisson, s’est débrouillée pour obtenir un entretien d’embauche pour Aurélie au «top pub», le plus «vivant» des deux bistrots du village.

Nous voilà donc garés chez Brenda et Rick, son mari, qui nous offrent une douche et une bière bien fraîche, que de bonheur ! Il est 19 heures et nous marchons à travers les rues désertes du village pour rejoindre le pub. A peine rentrés, on dirait que tous les habitants se sont donné rendez-vous ici pour LA soirée de la semaine : tout le monde est là, des enfants en bas-âge à leurs grands-parents. L’authentique juke-box est en surchauffe, les parties de billard se succèdent, la bière coule à flots et les gens rient, chantent et dansent ! Quelle ambiance ! L’entretien n’est qu’une formalité. Niveau d’anglais trop léger et expérience derrière un comptoir inexistante mais qu’importe, le couple de gérants est sous le charme, elle commence demain !

Brenda et Rick semblent nous apprécier. Nous resterons chez eux jusqu’à Noël, et nous aurons même une chambre avec lit double et climatisation ! Bien sûr, nous participons dans la vie de la maison en faisant quelques tâches ménagères, repas et courses. Tous deux forment un couple typiquement australien. Elle travaille à la coopérative et lui est grutier au lac salé. Tous les soirs nous discutons autour de quelques bières : voyages, famille ou taquineries diverses, le tout dans la meilleure ambiance qui soit.

Nous prenons vite goût à la vie australienne, très différente de nos habitudes européennes. Il y a toujours de la bière très fraîche dans les différents frigidaires de la maison, et des «stubby-holders» (voir lexique) pour en savourer toute la soirée. Les maisons ne sont jamais fermées à clef et il est courant que les amis et voisins arrivent à l’improviste, leur boisson à la main, pour partager de bons moments autour d’un verre. Il n’y a pas un jardin sans barbecue, lequel fonctionne d’ailleurs toute l’année.
Ouverts, généreux et accueillants, tous les australiens que nous avons rencontrés s’intéressent à nous et à notre aventure. Nous avons été invités par tout le voisinage, des amis du quartier à la famille de nos hôtes, en passant par des collègues de travail.

Lorsque nous ne sommes pas au travail, c’est synonyme de pluie. Et quand il pleut dans le Bush, le temps s’arrête : pas de connexion Internet, tout le monde reste calfeutré chez soi, bref, on ne peut rien faire d’autre qu’attendre, et les minutes paraissent des heures. Alors, de temps en temps, nous partons à Swan Hill ou Mildura, situées à une heure ou deux de là.
La pluie, justement, a complètement perturbé le déroulement de la moisson. En effet, les précipitations d’une journée empêchent toute activité pendant trois ou quatre jours, durée minimum pour laisser sécher la terre et le grain. Le travail reprend alors progressivement mais les équipes sont réduites et, de nous deux, seul Guillaume est réquisitionné. Aurélie est donc bien contente d’avoir sa place au pub.
Ce pub, dans une bâtisse du début du XXème siècle, fait penser aux saloons que l’on voit dans les vieux westerns. Deux grandes pièces, la première avec le bar sur toute sa longueur, télévision, juke-box à l’ancienne, table de billard et jeu de fléchettes ; la deuxième, à l’arrière, est une salle de restaurant aménagée de tables et de chaises de cantine. Malgré une décoration pittoresque, l’ambiance y est chaleureuse ; c’est le seul lieu d’échange et de rencontre du village. Pendant la journée on retrouve toujours les mêmes personnes, lesquelles ne changent pas leurs habitudes, aussi bien en termes d’horaires que de consommations… Le soir, le cuisinier prépare une dizaine d’assiettes pour les clients comme pour le personnel, Aurélie comprise. Les plats varient du traditionnel «fish and chips» (voir lexique) au plat du jour, toujours accompagné de pommes de terre et d’une sauce au choix. Les soirs de week-end sont les plus mouvementés. Tous les jeunes du village, lesquels, par tradition, travaillent à GrainFlow pour la moisson, viennent dépenser leur argent de poche en bières et cocktails variés. D’ailleurs les fermiers, camionneurs et autres font de même et on retrouve régulièrement tout ce petit monde pour des soirées très arrosées. Dès 20 heures, leur anglais, déjà difficile à déchiffrer de par l’accent du Bush, devient incompréhensible même pour les oreilles les plus affutées… pauvre Aurélie !

Après Noël, nous quittons nos hôtes pour reprendre notre indépendance. Nous nous installons à Green Lake, ou nous passerons aussi le nouvel an, à une dizaine de kilomètres de là. Comme son nom l’indique, c’est un charmant petit lac équipé d’emplacements de camping, douches, sanitaires et barbecues. Seul bémol, les moustiques, déjà présents toute la journée, sont particulièrement en forme dès la fin de l’après-midi : à partir de 18 heures, «Rid» et «Raid» sont de rigueur (voir lexique) ! Sans exagérer, ils attaquent par centaines, l’unique moyen de leur échapper étant de se couvrir et de s’éloigner. Mais bon, le décor est grandiose et pour rien au monde nous ne manquerions de si beaux couchers de soleil.

 
Nous sommes maintenant le dimanche 9 janvier 2011, la moisson touche à sa fin. Les bunkers sont presque pleins et la pluie refait son apparition ; elle est annoncée pour encore une bonne semaine. Nous devons donc prendre une décision. Nous avons gagné suffisamment d’argent alors, plutôt que d’attendre le beau temps pour deux ou trois jours de travail supplémentaires, nous préférons reprendre la route. Au programme, les montagnes jusqu’à Canberra puis la côte, du sud de Sydney jusqu’à Melbourne.

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